o       Fiche 1 : “ L’EUROPE NOUS OBLIGE A PRIVATISER ”

 

 

C’est faux. Le traité instituant la Communauté européenne (art. 294 – ex art. 222) “ ne préjuge en rien le régime de la propriété dans les Etats membres ”. Une décision de privatisation (ou d’ouverture du capital) relève de la  responsabilité nationale.

 

L’Europe intervient contre les services publics par la libéralisation, c’est à dire l’introduction de la concurrence, et par le contrôle des aides publiques aux entreprises au nom du respect des règles de concurrence.

 

Les décisions nationales de privatisation et les décisions européennes de libéralisation se conjuguent pour démanteler les entreprises publiques et permettre aux investisseurs privés de réaliser des profits sur les activités rentables au détriment des missions de service public.

 

 

         On entend parfois des commentateurs mal informés ou mal intentionnés affirmer que les décisions européennes du Sommet de Barcelone (mars 2002) obligent à privatiser EDF.

 

C’est tout simplement faux. Les institutions européennes n’ont pas le droit d’intervenir sur le régime de propriété, privée ou publique, des entreprises. L’ancien article 222 du traité instituant la Communauté européenne (devenu l’article 294) le leur interdit. Il stipule en effet : “ Le présent traité ne préjuge en rien le régime de la propriété dans les Etats membres. ” Les gouvernants mentent donc lorsqu’ils s’abritent derrière l’Europe pour justifier les  privatisations. C’est chacun d’eux qui prend cette décision relevant de la seule responsabilité nationale. Ainsi, lors de l’offensive pour la privatisation d’Air-France en 1997, ses partisans affirmaient qu’elle était imposée par la Commission de Bruxelles. Celle-ci a publié un communiqué rappelant qu’elle n’avait rien à voir dans cette affaire qui ne regardait que la France.

 

L’Europe intervient contre les services publics sur d’autres terrains : d’abord la libéralisation. C’est l’introduction de la concurrence : là où l’entreprise service public était seule, on autorise d’autres entreprises à la concurrencer. A Barcelone il a été question de l’ouverture à la concurrence du marché d’électricité. Cela fait perdre beaucoup de sa marge de manœuvre à l’entreprise publique qui voit ses concurrents se livrer à l’écrémage, c’est à dire s’installer dans les activités les plus rentables. L’entreprise publique ne peut plus alors utiliser l’argent gagné dans ces activités pour financer, là où elle en perd, ses missions de service public. Le service public a alors tendance à se dégrader rapidement. La Commission européenne contrôle aussi les aides publiques aux entreprises au nom du respect des règles de concurrence. Ainsi, un Etat ne peut financer une entreprise publique comme bon lui semble. Il doit demander l’autorisation de la Commission qui peut refuser.

 

On voit que décisions nationales de privatisation et décisions européennes se combinent pour affaiblir ou démanteler les entreprises publiques et permettre aux investisseurs privés de réaliser des profits dans des domaines où ils ne pouvaient entrer jusqu’alors, parce que ces domaines étaient consacrés au service public.

 

 

Fiche 2 : L’ouverture du capital des entreprises publiques
est-elle nécessaire pour développer des partenariats ou des alliances ?

 

Ce n’est pas indispensable.

Depuis longtemps, des entreprises publiques françaises ou européennes développent des projets industriels et commerciaux en partenariat avec des entreprises privées sans ouvrir leur capital. Ces partenariats se révèlent plus stables que des échanges croisés de participation au capital des maisons mères où l’équilibre entre partenaires ne dure guère longtemps, l’un ou l’autre cherchant à prendre le contrôle de l’ensemble. L’ouverture du capital, au lieu de renforcer l’entreprise, accroît le risque de la déstabiliser.

 

On nous dit que l’ouverture du capital des entreprises publiques serait nécessaire pour nouer des partenariats ou des alliances indispensables pour faire face à la mondialisation. L’histoire récente des entreprises publiques françaises et européennes montre que ce n’est qu’un argument de circonstance qui dissimule le véritable objectif de l’ouverture du capital.

 

Depuis plus d’une dizaine d’années, EDF, GDF, la SNCF, la Poste, DeutscheBahn… ont développé des partenariats industriels et commerciaux, au travers de filiales ou d’autres formes juridiques dont l’objet est précisément circonscrit, et dont les états financiers sont régulièrement publiés.

En 1997, le Président de Delta Airline, qui s’apprêtait à conclure une alliance avec Air France, a affirmé devant la presse qu’il ne réclamait ni la privatisation de la compagnie française, ni même l’échange d’actions.

Le Président de General Electric, avec qui la Snecma fabrique le moteur d’avion qui vole le plus au monde (le CFM 56) déclarait de son côté ne voir que des avantages à ce que son partenaire français soit public, car cela garantissait sa fiabilité. L’histoire récente nous a appris, depuis, que la privatisation de la Snecma était surtout souhaitée par son PDG qui avait illégalement accumulé des actions dont il attendait une forte plus-value.

Airbus a conquis la moitié du marché mondial des gros porteurs contre Boeing alors qu’il était un groupe d’intérêt économique (GIE) constitué d’Aérospatiale, alors entreprise publique, British Aerospace et l’allemand DASA, entreprises privées.

 

Ainsi, de nombreux projets industriels ont été développés avec des partenaires privés sans que les entreprises publiques aient besoin de renoncer à leur statut ou d’ouvrir leur capital.

 

Et ces coopérations se sont avérées plus stables que celles qui impliquent des échanges d’action. On entend en effet aussi l’argument suivant : l’ouverture du capital permet des échanges croisés de participation au capital des maisons mères, ce qui scelle des accords plus solides. L’expérience dément aussi cette affirmation. Elle montre, au contraire, que l’équilibre entre partenaires ne dure guère dans ce cas. Presque toujours, sous l’effet de stratégies contradictoires, l’un ou l ‘autre des partenaires, voire plusieurs, vont chercher à dominer puis à prendre le contrôle de l’ensemble, en constituant des alliances d’actionnaires ou en rachetant des actions secrètement, par exemple.

 

L’alliance par échanges croisés de participations et ouverture du capital est une aventure très risquée où l’entreprise publique peut rapidement perdre sa position initiale. Ainsi, par exemple, l’ouverture du capital de France Télécom avait été justifiée par la nécessité de consolider des coopérations industrielles effectives depuis 1997 avec Deutsche Telekom, au travers d’échanges croisées de participations au capital des maisons mères.. L’alliance n’a pas été conclue. L’ouverture du capital a eu lieu et on en connaît les conséquences aujourd’hui.

 

 

Fiche 3 : Ouvrir le capital, est-ce différent d’une privatisation ?

 

 

 

 

 

“ Ne vous inquiétez pas, nous ne voulons pas privatiser, nous ouvrons seulement le capital ”. Voilà l’argument qui est régulièrement avancé pour rassurer et désamorcer la mobilisation.

 

En théorie, ouverture du capital et privatisation ne sont pas identiques. La privatisation signifie que le capital privé devient majoritaire. Avec l’ouverture du capital, il reste minoritaire. En principe, dans ce dernier cas, l’Etat conserve le pouvoir de décision. Cette différence a une conséquence : lorsqu’il n’utilise pas ce pouvoir, nous ne devons pas laisser le gouvernement quitte et nous devons exiger que, malgré l’ouverture du capital, il prenne ses responsabilités.

 

En pratique, l’ouverture des entreprises publiques au capital privé fait entrer le loup dans la bergerie. Et ce de deux façons ua moins La mise en bourse d’une partie du capital de l’entreprise publique signifie l’arrivée de gens dont le seul motif est le profit et non la bonne réalisation des missions de service public. Ils vont agir pour que l’entreprise gagne le plus d’argent possible, au détriment de ses missions et des conditions sociales pour ses salariés. Et comme l’entreprise est devenue dépendante de cette source de financement, elle devra en tenir compte. Mais l’expérience montre que les directions des entreprises publiques dont le capital a été ouvert se convertissent très rapidement à la logique financière sans qu’il soit besoin que les nouveaux actionnaires se manifestent. Ainsi, depuis l’ouverture de son capital, France Telecom se détourne de plus en plus de ses missions de service public et se comporte de plus en plus comme une vulgaire firme transnationale privée.

 

En pratique encore, l’expérience nous a montré que l’ouverture du capital est le prélude de la privatisation. Les exemples récents le confirment. Bien que retardés par les cours de la bourse, les projets du gouvernement demeurent : privatisation totale de France Telecom et d’Air France dont le capital avait seulement était ouvert par le gouvernement précédent.

 

C’est pourquoi nous nous opposons à l’ouverture du capital des entreprises de service public.

 

 

 

 

 

 

Fiche 4 : “ Une entreprise privée peut faire du service public ”

ü       Oui, des entreprises privées assurent correctement des missions de service public : par exemple, la production de pain, le ramassage scolaire,… Dans tous ces cas, l’autorité publique a les moyens de contrôler ce que font ces entreprises petites et moyennes, par exemple, au travers du  financement, du changement de prestataire…

 

ü       Mais, lorsqu’il s’agit de très puissantes entreprises qui, privatisées, deviennent de puissantes firmes multinationales, alors, les capacités de contrôle des pouvoirs publics, même des Etats, sont très restreintes.

 

ü       Il est inutile et dangereux de faire faire du service public à des entreprises dont le seul souci est de faire du profit : mieux vaut confier cette mission à des entreprises faites pour le service public … et ne pas transformer les entreprises publiques en de telles firmes privées.

 

“ Vous êtes des dogmatiques, des idéologues. La questions de la propriété, publique ou privée, est maintenant secondaire. On connaît des entreprises privées qui assurent correctement des missions de service public. Les boulangers assurent bien la production du pain. On peut donc privatiser, mais il faut que l’Etat reste vigilant, avec les moyens de garantir la bonne exécution du service public ”.

 

Nous connaissons effectivement des entreprises privées qui assurent correctement un service public. Par exemple des entreprises de transport par car qui, sous le contrôle du conseil général et grâce à son financement, effectuent le ramassage scolaire. Le but de ces entreprises est bien de gagner de l’argent et elles pourraient être tentées de réduire la qualité du service, sa sécurité. Mais l’autorité publique a les moyens de contrôler ce que font ces entreprises petites et moyennes. L’autorité publique a des moyens de pression efficaces par ce qu’elle assure souvent l’essentiel du financement de ces entreprises et, finalement, elle peut en changer.

 

Mais notre bataille contre la privatisation ne concerne ni les boulangers, ni les entreprises possédant quelques autobus. Il s’agit de très puissantes entreprises qui privatisées, deviennent de puissantes firmes multinationales. Et alors, les capacités de contrôle des pouvoirs publics, même des Etats, sont très restreintes et ces firmes ont un pouvoir de chantage et de nuisance qu’elles ne se privent pas d’utiliser.

 

UN scandale vient d’éclater au Japon : les entreprises privées d’électricité ont réussi pendant des années à dissimuler des rapports faisant état d’incidents et de fissures dans les réacteurs nucléaires. En Grande Bretagne, le ministre des transports avait qualifié la performance du chemin de fer privatisé de “ honte nationale ”. C’était en 1998, avant la catastrophe de Paddington et avant la longue série d’accidents qui s’est poursuivie. Le gouvernement était, dans ce cas, au courant de la situation. Il a tempêté, menacé. Cela n’a pas fait changer le comportement des compagnies privées. Dans le même pays, le service de l’eau a été privatisé en 1989. En cinq ans, les factures ont doublé, les compagnies ont triplé en moyenne leurs bénéfices, les salaires des dirigeants ont quadruplé et le réseau était si mal en point qu’il s’y perdait jusqu’à 30% de la production. L’autorité de régulation a exigé la baisse des prix de 12% en 2000 et des investissements sur le réseau. Cinq compagnies ont immédiatement répliqué en annonçant plus de 3200 suppressions d’emploi.

 

IL est faux de prétendre que les pouvoirs publics conservent une véritable capacité de contrôle des entreprises privées lorsque celles-ci ont atteint une certaine taille et que les mouvements de rachats et de concentration les transforment rapidement en monstres détenant une puissance croissante. Plutôt que de vouloir faire boire l’âne qui n’a pas soif, c’est à dire faire faire du service public à des entreprises dont le seul souci est de faire du profit, mieux vaut confier cette mission à des entreprises faites pour le service public. Plutôt que de dire “ il faut mettre en place des moyens de contrôle de ces firmes privées qui ne respectent pas les règles ”, il vaut mieux ne pas transformer les entreprises publiques en de telles firmes privées.

 

 

 

 

Fiche 5 : “ La privatisation conduit les salariés à mieux travailler. ”

 

Les partisans de la privatisation avancent souvent l’idée qu’en privatisant on supprime des dispositions favorables aux salariés qui leur permet un “ moindre effort au travail ” et des pesanteurs qui découragent l’investissement et le travail individuel.

 

Et si on renversait l'ordre des facteurs ?

 

Et si c'était la qualité des statuts et des garanties collectives qui faisaient la qualité et l'efficacité du service public ? Avoir le souci d'autrui, l'écouter, être solidaire, être disponible est difficile quand on est précaire - précarité fréquente dans les services publics (intérim, sous-traitance, contrat à durée déterminée.). Pour être attentif aux besoins nouveaux d'une société en constante évolution il faut aussi avoir confiance dans l'avenir.

Le service public est aussi fait du dévouement obscur et quotidien de millions de salariés dans les hôpitaux, les écoles, et ailleurs. Parfois, comme ce fut le cas à l'occasion des tempêtes de 1999, ce dévouement à l'intérêt général, ce souci de l'autre apparaît au grand jour !

Mais ce ressort est aussi distendu par le manque de moyens, la dégradation des conditions de travail et des salaires, la survalorisation du marché et des intérêts financiers.

 

§         Il y a aussi beaucoup de précarité dans les services publics !

 

Les services publics sont aussi des lieux de grande précarité : de nombreux salariés du service public sont en fait des emplois précaires, intérim, contractuel, contrats à durée déterminée, emplois jeunes… A ce mouvement s’ajoute aussi le développement de la sous-traitance sous le prétexte aussi utilisé dans le secteur privé de “ maintenir le cœur de métier ”. Ainsi, au fil du temps, des emplois internes sont supprimés et les activités sont sous-traitées entreprises privée. Les salariés de ces entreprises ne disposent pas des mêmes garanties sociales que les agents du service public, c’est d’ailleurs la principale source d’économies. Mais la qualité du service n’en est pas pour autant améliorée, loin s’en faut !

Parce que cette précarité importante, humainement inacceptable, désorganise les activités, ne permet pas l’accumulation du savoir-faire et finalement démotive l’ensemble des salariés. Notamment parce qu’elle accompagne un manque chronique et important d’emplois nécessaires pour satisfaire les attentes et les besoins des populations.

 

Plutôt que de réduire les garanties dont disposent les salariés des services publics, n’est-ce pas cette conception de l’emploi, des garanties et des droits accordées à chaque salarié qu’il faudrait étendre à tous ?

 

 

 

 

 

 

 

 

Fiche 6 : Les salariés des entreprises publiques sont-ils des privilégiés ?

 

 

Remarquons tout d’abord que la situation actuelle est en pleine évolution. A côté de personnel à statut (fonctionnaires ou assimilés), les entreprises publiques embauchent du personnel de droit privé, souvent en situation de précarité. La Poste emploie ainsi plus de 78 000 salariés de droit privé, dont 18 000 CDD, et qui, pour plus de 40 %, sont à temps partiel. Ces salariés ne bénéficient évidemment pas des mêmes droits que les personnels à statut.

 

Ces droits sont en général de trois ordres. C’est d’abord la garantie de l’emploi, un licenciement n’étant possible que pour faute grave. La garantie de l’emploi peut être directement issue de dispositions statutaires (cas des fonctionnaires de l’Etat avec la “ séparation du grade et de l’emploi ”) ou simplement exister parce que le statut des salariés des entreprises publiques ne prévoit aucune disposition concernant les licenciements économiques (cas de la SNCF ou d’EDF/GDF).

C’est ensuite une garantie de déroulement de carrière dans lequel l’ancienneté joue un rôle important. Des dispositifs existent cependant pour ralentir ou supprimer ce déroulement en cas de défaillance professionnelle.

C’est enfin des conditions particulières de départ à la retraite: 37,5 annuités de cotisations, 75% du dernier salaire, certaines catégories de personnel pouvant bénéficier d’un départ anticipé Ces conditions particulières n’ont pas empêché jusqu’à une date très récente (2001) qu’existe une parité entre retraites du privé et du public. Mais il est clair que les effets conjugués des mesures Balladur de 1993 et des accords sur les retraites complémentaires de 1996 vont aboutir à un décrochage entre public et privé.

 

Il est donc indéniable que les salariés du secteur public bénéficient de droits dont les salariés du privé sont exclus Ces droits constituent-ils pour autant des privilèges indus ? La garantie de l’emploi est-elle un privilège ou devrait-elle être une situation normale pour tous les salariés ? Voir sa rémunération augmentée régulièrement et partir dans de bonnes conditions à la retraite ne devrait-il pas être le lot de toutes et de tous ? Etendre aux salariés du public des mesures injustes prises à l’encontre des salariés du privé n’améliorera pas leur sort. Bien au contraire, cela participera de la dégradation générale des conditions de l’emploi.

 

La solution n’est pas dans la suppression des droits des salariés du public, mais dans un combat commun pour des droits économiques et sociaux de haut niveau pour tous les salariés.

 

 

 

 

 

 

 

 

Fiche 7 : L’ouverture à la concurrence ne fait-elle pas baisser les prix et améliorer le service ?

 

 

Non, la baisse des prix est loin d’être systématique et importante. Si les prix baissent, c’est au profit des grands clients et au détriment des autres usagers (particuliers, artisans, PME-PMI).

 

En effet :

-   la péréquation qui assure le financement des activités non rentables par les activités rentables est démantelée,

-   la qualité et la sécurité se dégradent,

-   les offres de prix et de services deviennent opaques,

-   la situation des usagers les plus faibles se détériore,

-   la précarité de l’emploi s’accroît. 

 

Enfin, les prix repartent à la hausse en quelques années.

 

Voilà ce qu’ont systématiquement promis les libéraux. L’expérience des libéralisations montre que la réalité est toute autre.

 

D’une part, la libéralisation et la privatisation n’entraînent pas systématiquement des baisses de prix. Ainsi, par exemple, dans le domaine de l’eau, un rapport de la Cour des Comptes, en 1997, précise que “ la hausse du prix est bien à mettre en relation avec la privatisation ” : les prix pratiqués par les opérateurs privés étaient supérieurs, en moyenne, de 28 % à ceux des régies publiques. De même, en Grande-Bretagne, après la privatisation de 1989, les factures d’eau ont doublé en cinq ans,, les bénéfices des compagnies ont triplé et les salaires des dirigeants ont quadruplé. Dans l’électricité, l’Observatoire d’un Cabinet Conseil relevait en septembre 2002, a contrario, que “ des pays où la dérégulation est moins avancée ont connu des réductions de prix plus massives (Belgique, France) ”.

 

D’autre part, lorsqu’il y a baisse des prix, celle-ci n’est pas homogène. Les baisses profitent en priorité aux gros clients, en particulier, à certains grands industriels, au détriment des usagers particuliers, artisans ou petites entreprises qui ont un bien moindre pouvoir de négociation. Dans les télécoms, par exemple, des évolutions tarifaires ont été opérées et se sont traduites par une baisse sensible des tarifs longues distances, ce qui favorise, en premier lieu, le marché des grandes entreprises et pat une augmentation des tarifs courte distance (environ 150 %), frappant ainsi les particuliers.

 

Ainsi, la situation des usagers les plus faibles se détériore. La péréquation qui assure le financement des activités non rentables par les activités rentables est démantelée au nom de la concurrence, accentuant ainsi les déséquilibres et l’inégalité de traitement entre les usagers selon leurs situations géographique, socio-économique,….

Et les prix repartent à la hausse, en quelques années, dès que les grands opérateurs ont éliminé les plus petits.

 

Les libéralisations s’accompagnent fréquemment d’une dégradation de la qualité, de la sécurité et d’un recours croissant à des emplois précaires.

 

De plus, avec l’ouverture à la concurrence, les offres de prix et de services deviennent très difficilement comparables, voire opaques pour les usagers: il suffit, par exemple,  de se référer à la “ jungle ” actuelle des offres des opérateurs des télécommunications dénoncée par les associations de consommateurs. Les démarches commerciales ne traitent plus les usagers sur un pied d’égalité. Elles peuvent même déraper totalement, comme récemment au Royaume-Uni où certains commerciaux n’ont pas hésité à vendre des contrats d’électricité à des personnes décédées ou à des enfants… effectuant des ventes forcées qualifiées “ d’épouvantables ” par le Régulateur lui-même !

 

 

 

 

 

 

Fiche 8 : Pourquoi défendre le service public ?

 

 

 

Le service public est un facteur de cohésion sociale.

 

Il fait une large place à la redistribution sociale et territoriale à travers ses principes : continuité et accessibilité des services rendus aux usagers, égalité de traitement, péréquation tarifaire, obligation de fourniture, souci de la qualité des prestations, minimisation des coûts pour la collectivité, etc. Les besoins fondamentaux de tous les individus doivent être satisfaits : telle est la conception qui fonde son utilité sociale. Le service public n’est donc pas simplement prestataire de biens et de services mais aussi producteur de lien social et de citoyenneté.

 

D’où l’attachement des citoyens à la notion d’un service public qui remplit ses missions d’égalité et de solidarité. Pour le cas d’EDF et de GDF ou La Poste, cet attachement prend la forme d’un véritable plébiscite, comme le prouvent de nombreuses études et sondages d’opinion. Les citoyens font confiance et paraissent très satisfaits de la qualité du service public de l’électricité et du gaz, de la disponibilité des agents, des compétences économiques et technologiques de l’entreprise publique. En même temps, ils souhaitent que le service public renforce la concertation avec les populations et se préoccupe davantage des questions des inégalités, de la sécurité et de protection de l’environnement.

 

Malgré ses faiblesses, le service public représente dans notre pays une belle réussite. Mais il se trouve aujourd’hui confronté aux politiques de libéralisation et de privatisation. C’est pourquoi il est nécessaire de le défendre, à travers des changements démocratiques qui ouvrent l’entreprise publique à la richesse de la société. Cela implique deux choses. D’une part, s’opposer à la marchandisation des besoins fondamentaux des personnes. D’autre part, revendiquer le droit d’être traité comme un citoyen à part entière au lieu d’être assimilé à une cible commerciale.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Fiche 9 : Quel mode de financement pour les entreprises publiques ?

 

Il existe en théorie trois moyens de financement pour une entreprise : utiliser une partie des ressources générées par son activité ; s’endetter, soit auprès des institutions financières, soit, pour les grandes entreprises, en émettant des obligations ; procéder à une augmentation de capital, soit en faisant appel directement à ses actionnaires, soit en mettant de nouvelles actions en vente sur les marchés boursiers.

La première solution est, a priori, la plus saine. Au-delà des sommes nécessaires aux amortissements (remplacement du matériel usé), il s’agit pour l’entreprise d’utiliser une fraction du bénéfice non distribuée aux actionnaires pour accroître ses capacités. C’est l’accumulation nette de capital. Les sommes consacrées aux amortissements et à l'accumulation nette de capital (autofinancement) sont un indice important de la bonne santé économique d'une entreprise. Remarquons que, ces dernières années, les entreprises françaises ont eu une forte capacité d'autofinancement.

Une entreprise publique, qui n’a pas d’actionnaires privés à rémunérer, peut dégager des marges d’autofinancement plus importantes qu’une entreprise privée, même s’il n’est pas a priori anormal qu’une partie de ses bénéfices éventuels puisse être reversée au budget de l’Etat dans le cadre de l’intérêt général. Un débat public devrait, dans ce cas, déterminer l’utilisation de ces fonds et leur montant.

Mais il est possible qu’une entreprise ne puisse financer ses investissements par sa propre activité, soit que celle-ci ne dégage pas de marges assez importantes pour cela, soit qu’ils soient beaucoup trop importants. Cette dernière situation peut voir le jour dans le cas où une entreprise publique doit investir dans des infrastructures lourdes (cas du TGV par exemple). Deux solutions peuvent alors être utilisées. La première renvoie la responsabilité de cet investissement sur la collectivité. A partir du moment où le choix politique de le mettre en œuvre a été débattu et décidé, c’est à la puissance publique d’en assumer les conséquences financières par le biais du budget de l'Etat ou de celui des collectivités territoriales.

La seconde solution consiste à faire financer cet investissement par l’entreprise, celle-ci d’endettant pour ce faire. C’est la solution qui a été retenue dans le cas du TGV et dans celui de la modernisation du réseau téléphonique à la fin des années 70. Elle peut être d’autant plus intéressante que les taux d’intérêt sont bas. De plus, une entreprise publique, possédant la garantie de l’Etat peut emprunter à des taux intéressants. Mais, ce mode de financement pose la question de l’existence d’un pôle public bancaire dédié à ce type d’opération, pouvant être articulé, par exemple, autour de la Caisse des dépôts et consignations.

Qu’en est-il du financement par la Bourse ? Les émissions nouvelles d'actions apportent des capitaux nouveaux aux entreprises. Mais, si nous en déduisons les rachats d’actions et les dividendes versés aux actionnaires, nous arrivons ces dernières années en Europe à un montant négatif. Cela signifie que contrairement à ce qu’affirment les libéraux, la Bourse n’apporte globalement pas de recettes nouvelles aux entreprises. La Bourse est en fait essentiellement un marché spéculatif utilisé par des opérateurs en vue d’un profit rapide.

Ce caractère du marché boursier pose un problème majeur aux entreprises. Le rythme de fonctionnement de la Bourse ne peut être celui d’une entreprise. La stratégie de développement d’une entreprise ne peut se déployer que dans le temps. Elle ne peut être jugée que sur le moyen et long terme. Or le marché Boursier ne fonctionne que sur court terme et même le très court terme. Que les résultats semestriels ne soient pas au rendez-vous et le titre est lourdement sanctionné par les investisseurs financiers avec la vente massive et immédiate de titres. La valorisation boursière de l'entreprise s'effondre, le coût des emprunts augmente fortement, diminuant ainsi la capacité de l'entreprise à s'endetter pour se développer. Le fonctionnement actuel des marchés financiers, où la liquidité des titres (possibilité de vendre ou d’acheter une action) est absolue, entraîne la domination de la logique financière dans la vie des entreprises. Cet inconvénient majeur qui a amené de nombreuses entreprises, et pas des moindres, à refuser d’être cotées. C’est le cas, par exemple de la multinationale allemande Mannesman.

Cet inconvénient serait démultiplié dans le cas d’une entreprise publique. La réalisation des missions de service public peut entraîner la mise en œuvre de travaux de grande ampleur dont la rentabilité ne peut se mesurer que sur le long terme. De plus, de nombreuses activités ne peuvent être jugées à l’aune de la rentabilité financière : aménagement du territoire, traitement égalitaire des usagers…

 

Soumettre une entreprise publique à la logique boursière a toujours pour conséquence un dépérissement rapide des missions de service public, sans même la garantie d’une pérennisation de l’activité de l’entreprise, le cas de France Télécom étant à cet égard éloquent.

 

 

Fiche 10 : La privatisation d’EDF coûtera à la collectivité

Paradoxalement, EDF n’est pas dans l’état actuel une entreprise facilement privatisable. Les conceptions de service public qui ont prévalues pendant des années ont conduit à investir dans la production ou dans la baisse des tarifs la plus grande partie des richesses créées.

Si aujourd’hui cela peut faire miroiter des perspectives de profits importants à dégager des activités de production, transport et de distribution de l’électricité, EDF aura à faire face dans les prochaines années à des charges qui viendront réduire les profits attendus.

 

Pour attirer des actionnaires le gouvernement est contraint de se livrer à quelques opérations (qui d’une façon ou d’une autre coûteront à la collectivité) pour transformer le bilan comptable d’EDF et préserver les futurs actionnaires de ce risque de moins-values en transférant tout ou partie des charges futures à la collectivité.

 

La privatisation aura un coût, c’est ce que le gouvernement veut tenir caché !

 

Le secteur privé est intéressé à la privatisation d’EDF parce que le marché captif que constitue les millions de consommateurs d’électricité génère des profits importants sans que des dépenses importantes soient nécessaires à court terme.

Les centrales de production d’électricité sont largement amorties (c’est à dire que les dépenses d’investissements sont couvertes par les premières années de fonctionnement) pour un grand nombre d’entre elles. Leur durée de vie peut être augmentée, ce qui permet ainsi de produire de l’électricité sans avoir, dans l’immédiat à en construire de nouvelles.

EDF a provisionné dans ses comptes les dépenses futures qui doivent être assumées :

·         20 milliards d’euros en cas de restitution des réseaux électriques qui sont propriété des communes

 

Ces sommes ont été normalement investies dans la construction des centrales et des réseaux qui fournissent l’électricité au pays qui demain fourniront la richesse nécessaire pour faire face aux charges correspondantes. Mais cela se fera en réduction des profits attendus par les futurs actionnaires.

 

A cela, il faut ajouter les retraites des agents d’EDF et GDF qui, dans l’organisation actuelle du régime de retraite spécial, constituent aussi un handicap pour privatiser : actuellement les retraites sont intégralement à la charge des deux entreprises.

Ce que pourraient souhaiter des actionnaires, c’est qu’en sus de la réduction du niveau des pensions de retraite, une fraction de celles-ci soit transférée au régime général donc à la collectivité. Ainsi une partie plus importantes des richesses créées dans le secteur électrique alimenteraient les marchés financiers !

 

Transférer l’ensemble de ces charges futures à la collectivité en en cachant le coût, modifier en conséquence le bilan et la comptabilité d’EDF, c’est ce que s’emploie à faire dans l’ombre le gouvernement.

Fiche n°11 : Faut-il ouvrir le capital d’EDF et Gaz de France pour financer leur développement ?

 

Un examen des résultats d’EDF et GDF démontrent que les ressources financières de leur développement existent en leur sein. En 2001, les résultats des deux entreprises (avant impôts et prélèvements de l’Etat) s’élevaient à :

-         1629 millions d’euros pour EDF soit 5,1 % du chiffre d’affaires (montant total des recettes de ventes d’électricité) ;

-         1174 millions d’euros sur GDF soit 10,2 % du chiffre d’affaires (montant total des recettes de ventes de gaz).

L’autofinancement, c’est à dire le montant des sommes disponibles en fin d’exercice pour investir (quelque soit la nature de l’investissement) est :

-         à EDF d’environ 6 milliards d’euros soit 18,6% du chiffre d’affaires. Six milliards d’euros c’est l’équivalent de 3 centrales nucléaires de 1500 MW, trois fois la distribution d’électricité de la région de Londres, deux fois celle de la région de Francfort ;

-         à GDF d’environ 1,8milliards d’euros soit 15,8% du chiffre d’affaires ;

Quel que soit le point de vue que l’on porte sur le développement des deux entreprises publiques, notamment sur leur stratégie de prises de participation à l’étranger, il faut constater qu’elles ont eu les moyens financiers de cette stratégie. Ainsi :

-         GDF a pu acheter en 3 ans des réserves de gaz à hauteur de 8% de la consommation française ;

-         EDF a pu racheter la distribution de l’électricité de Londres, des centrales électriques en Angleterre, entrer au capital de l’électricité de la région allemande du Bade Wurtemberg et dans celui d’Edison, deuxième électricien italien.

 

De plus, EDF et de GDF disposent de grandes possibilités d’emprunt :

-         l’endettement d’EDF est de 15 milliards d‘euros, soit 46,5% du chiffre d’affaires ;

-         celui de Gaz de France est de 3,4 milliards d’euros soit 25% du CA.

 

En outre, leur accès aux ressources financières est d’autant plus facile qu’elles sont des entreprises publiques et que les banques considèrent que leur prêter présente moins de risques. Ce qui leur aussi permet de disposer de taux d’intérêt plus faibles. A l’inverse la privatisation conduirait à un risque plus important et fatalement à une dégradation de leurs conditions d’accès au crédit :

“ L’agence américaine Moody’s vient de retirer à EDF son triple A, la meilleure note possible, en raison de la perspective d’une privatisation partielle. Cela va se traduire.par une hausse des taux d’intérêts auxquels les investisseurs acceptent de prêter de l’argent à l’entreprise ”. (Les Echos, 2 déc 2002)

 

Enfin, la privatisation d’EDF et de GDF renforcerait les exigences de rentabilité du capital : celles-ci passeraient de 5% aujourd’hui à 12 voire 15% demain.

La mise en bourse compromettrait toute politique industrielle et énergétique à long terme. Une des caractéristique actuelle du secteur est l’absence d’investissements au risque de pénurie énergétique. Les exigences des marchés financiers, en particulier de la Bourse sont incompatibles avec l’horizon temporel des industries électriques et gazières.      

                  Celles-ci, fortement capitalistiques, sont par nature des industries de long terme avec des rendements plus faibles s’il n’y a pas forte augmentation des tarifs aux consommateurs domestiques.

 

Ouvrir le capital d’EDF et GDF c’est, contrairement aux affirmations, les affaiblir en les rendant plus sensibles aux aléas et aux pressions des marchés financiers.


Fiche 12 : “ Alors, selon vous, il n’y a rien à changer dans les Services Publics ? ”

 

La mise en œuvre des politiques libérales dans les Services Publics provoquent des reculs considérables : opacité des offres commerciales, hausse ou instabilité des prix, inégalités de traitement, abandon de la péréquation qui assure le financement des activités non rentables par les activités rentables, rejet des plus démunis…

Il convient de revenir à l’objectif fondamental de satisfaction des usagers et à un contrôle citoyen de leur efficacité.

Cette véritable ré-“appropriation sociale” des Services Publics peut se fonder, en particulier, sur :

-                    des débats publics à propos des missions et des stratégies,

-                    un accroissement de l’intervention des salariés,

-                    de nouveaux modes de représentation et de contrôle par les citoyens et les usagers,

-                    et des politiques d’évaluation comparée et pluraliste des performances des services publics.

 

Les Services Publics ont pour mission de répondre efficacement et durablement aux besoins essentiels des citoyens. Ils contribuent fortement au respect des droits fondamentaux que sont la santé, l’éducation, l’énergie, le transport…

 

Aujourd’hui, la mise en œuvre des politiques libérales dans les différents secteurs provoquent des reculs considérables : les offres de prix et de services deviennent opaques, les prix grimpent ou à tout le moins sont instables, les inégalités de traitement se creusent, les péréquations qui assurent le financement des activités non rentables par les activités rentables, sont démantelées, les usagers sont sélectionnés en fonction de l’intérêt financier qu’ils représentent pour les opérateurs…

 

De plus, les attaques se multiplient contre les services qui ne sont pas encore privatisés ou totalement libéralisés : elles visent leur organisation, leur financement,... et favorisent ainsi unes dégradation qui sera utilisée, le moment venu, pour justifier la libéralisation et la privatisation du service concerné. C’est le cas, par exemple, du secteur hospitalier où les conditions de fonctionnement et d’organisation se deteriorent rapidement sans autre perspective qu’une dégradation continue et une privatisation rampante.

 

Enfin, les dirigeants d’entreprises publiques anticipent eux-mêmes la libéralisation et la privatisation, et en deviennent de fervents promoteurs.

 

Les politiques libérales orientent donc les entreprises de Service Public vers les clients les plus rentables au détriment des plus faibles et livrent leur gestion au seul mode de management privé.

 

A l’inverse des tendances actuelles, il convient de revenir à l’objectif fondamental de satisfaction des usagers, notamment des plus démunis, et à un contrôle citoyen de l’efficacité des services publics.

 

Ainsi, l’intervention et l’implication des citoyens dans le contrôle des entreprises de Service Public ouvrent des perspectives d’amélioration véritable des services publics au plus près des besoins des usagers et des citoyens.

 

Des propositions concrètes existent : elles s’appuient, en particulier, sur des dispositifs de représentation et d’intervention des citoyens, et sur des processus d’évaluation comparée et pluraliste des performances des services publics.

 

Dès lors, il convient d’imposer une véritable ré-“ appropriation sociale ” des services publics au travers, en particulier :

- de débats publics sur les missions et les orientations stratégiques des différents services publics, notamment devant la représentation nationale ;

- de changements substantiels des directions et des dirigeants de ces entreprises sur la base de mandats parfaitement définis et transparents vis à vis des citoyens et de leurs représentants ;

- de nouveaux modes de représentation et de contrôle par les citoyens et les usagers, au niveau local et national, ainsi que des dispositifs d’évaluation comparée et pluraliste des performances des services publics qui permettent ainsi une intervention accrue des salariés et des usagers.

 

Ces mesures, ainsi que le maintien de la propriété publique, qui seule peut rompre avec l’influence néfaste et destructrice des logiques boursières de court terme, sont indispensables, aujourd’hui, pour améliorer dans la durée les performances des Services Publics au bénéfice des citoyens et des usagers.

 

Le Collectif “ Face au marché, le Service Public ” favorisera tout débat et toute action citoyenne pour promouvoir et améliorer les Services Publics dans ce sens.